On s’aime mais on se trompe : pourquoi ?

Aimer et tromper : une liaison dangereuse ?

L’infidélité et l’amour sont-ils compatibles ?

Oui, si l’on en croit les nombreux témoignages parsemant les revues et les forums liés à la psychologie et aux relations amoureuses. A l’heure où l’on choisit librement son partenaire, il semblerait bien que l’infidélité ne soit pas toujours synonyme de désamour, loin de là.

Dans le même esprit, tromper son conjoint ou partenaire ne veut pas toujours dire qu’il y a un problème à résoudre dans le couple. Aujourd’hui, il semblerait que les choses soient à la fois plus compliquées et plus simples. Plus compliqué parce que l’infidélité entraîne bien souvent des sentiments de culpabilité, de la souffrance et des émotions négatives. Plus simple parce que, à l’heure d’internet, la tentation est grande d’aller voir ailleurs d’un simple clic, de réaliser ses fantasmes les plus fous et de s’offrir une parenthèse sans conséquence.

Un idéal de relation parfaite

Plusieurs cas de figure sont pointés par les psychologues comme étant susceptibles d’amener l’un des partenaires à être infidèle. Le fait peut paraître étonnant, mais il est cependant avéré : de nombreuses personnes vivant une relation tout à fait satisfaisante ont déjà trompé leur partenaire.

Selon Esther Perel, psychothérapeute, cette association amour/infidélité, qui semble à priori contradictoire, peut être liée à la recherche d’un idéal de couple parfait. Le couple fusionnel en est un bon exemple, c’est pourquoi ce genre de relation est considéré aujourd’hui par les psychologues comme une ouverture possible vers l’infidélité.

Pourquoi ?

Les raisons sont, comme souvent en amour, multifactorielles. Nous avons tous besoin d’un jardin secret. Or, au sein d’un couple fusionnel, les partenaires partagent toutes leurs émotions et sensations, sans penser à préserver cette part d’eux-mêmes qui fait de leur personne un être unique. Ce genre de relation n’est pas constituée de deux êtres à part entière, mais bien d’une seule entité au sein de laquelle la partie secrète de l’un est entièrement dévoilée à l’autre et vice-versa. Si cette situation peut paraître confortable dans un premier temps, les partenaires ayant l’impression de tout connaître de l’autre, elle n’est cependant pas sans danger à la longue, car le désir, c’est bien connu, se nourrit avant tout de mystère et de surprises.

Un seul être ne peut pas combler toutes nos attentes

De nombreux professionnels s’accordent à dire qu’une seule et unique personne n’est pas en mesure de combler toutes nos attentes sur le long terme. Beaucoup de couples sont exactement dans l’état d’esprit inverse lorsqu’ils s’engagent : l’autre va leur apporter ce qu’ils ne possèdent pas, pensent-ils, misant sur la complémentarité. Cette projection irréaliste fait reposer sur les épaules des deux partenaires une lourde responsabilité, difficilement supportable dans la durée. Dans ce cas de figure, l’évolution du couple est différente de celle du couple fusionnel.

L’impression d’être en permanence au service de l’autre engendre en effet une forte pression et peut constituer l’élément déclencheur de l’infidélité. Prendre un amant ou une maîtresse répond alors au besoin d’exister par soi-même, sans se préoccuper de l’autre. La relation extraconjugale est dans ce cas-ci synonyme de parenthèse, de moment pour soi, de petit plaisir personnel sans conséquence.

Dans la plupart des cas, le couple n’est pas forcément en crise et les sentiments amoureux sont toujours bien présents. Le passage à l’acte s’effectue simplement lors d’une rencontre fortuite. Ici, l’infidélité peut constituer une bonne occasion pour l’un des partenaires de mettre les choses à plat et d’engager la discussion.

Pourquoi peut-on tromper et aimer à la fois ?

Pour Jacques Salomé, psychologue, jardinier des relations humaines comme il se plaît à se définir, l’infidélité suprême, ce n’est pas tant de tromper l’autre que de ne pas se respecter, de tromper en somme ce qui constitue la part de soi la plus intime. Il temporise cependant son propos en ajoutant que la fidélité à soi-même ne rime pas toujours avec l’infidélité à l’autre.

Pour La Rochefoucauld, l’écrivain du 17è siècle célèbre pour ses maximes, l’infidélité est préférable à la fidélité si celle-ci nous demande un effort trop violent. Comme quoi, tout est question de perspective, les hommes et les femmes infidèles se donnant la plupart du temps de bonnes raisons pour justifier leur écart. Quelles sont les raisons le plus souvent invoquées pour être infidèle ? Si elles sont aussi nombreuses qu’il y a de cas d’infidélité, certaines d’entre elles reviennent cependant régulièrement :

  • La routine : c’est la pierre d’achoppement de la plupart des couples. La routine est source d’ennui, et l’ennui s’apparente à une sorte de vide, générateur d’une ouverture vers l’inconnu et vers l’autre
  • Le besoin d’exotisme : bien qu’il rejoigne en quelque sorte la notion de routine, le besoin d’exotisme comprend cependant un facteur supplémentaire, l’attirance pour ce que nous ne connaissons pas, ce quelque chose qui nous attire sans pour autant avoir l’envie d’en faire notre quotidien
  • Le besoin de se rassurer : ce point revient très souvent dans le trio de tête concernant les causes de l’infidélité. Savoir que l’on peut plaire encore, même après 10 ans de relation de couple, même en abordant la quarantaine ou la cinquantaine, constitue pour certaines personnes un besoin et même une nécessité. Dans tous les cas, ce nouveau pouvoir de séduction redonne une seconde jeunesse et rassure la personne infidèle. Parfois d’ailleurs, le passage à l’acte n’est pas nécessairement une obligation, le simple fait de jouer au jeu de la séduction se suffisant en soi
  • Renforcer le désir : c’est bien connu, le désir est une notion capricieuse qui ne répond qu’à ses propres lois. Il n’est pas rare d’entendre une personne infidèle déclarer que ses incartades sexuelles renforcent son désir pour son conjoint ou sa partenaire
  • Assouvir des fantasmes : les habitudes sexuelles installées dans le couple peuvent empêcher l’un ou l’autre partenaire d’exprimer des envies différentes ou des aspirations nouvelles plus épicées. D’autre part, il n’est pas rare également de rencontrer des personnes incapables de lier l’amour profond et le sexe, tant il est vrai que trop de respect envers son ou sa partenaire peut affecter ou carrément enrayer le désir. D’où le besoin de trouver une personne avec laquelle on peut partager des relations sexuelles sans éprouver de sentiment
  • Une période de crise : il n’existe pas de couple sans crise, tôt ou tard, celle-ci vient frapper à la porte et se manifeste de toutes sortes de façons. Deuil d’un proche, envie non partagée d’un enfant, problèmes professionnels ou familiaux, autant de souffrances ou de non-dits pouvant éloigner les partenaires l’un de l’autre. La réponse peut être l’infidélité, une façon de se donner du temps pour réfléchir ou faire le point

Quelle que soit la cause de l’infidélité, dans nombre de cas, on constate que l’amour est toujours présent. Les sentiments sont encore forts et profonds, simplement, l’occasion s’est présentée et elle a été saisie par l’un ou l’autre des partenaires. Certains préfèrent ne pas se poser de question, profitant de ce qui leur est donné sans chercher à toute force à décrypter leur inconscient. D’autres invoquent l’envie d’être à nouveau désiré, de vibrer et de se sentir vivant.

L’infidélité dans la littérature : le cas d’Emma Bovary

Qui ne connaît pas le célèbre roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary ?

Ce livre, hautement transgressif pour l’époque, fit scandale lors de sa parution en 1857 avant de devenir un grand classique de la littérature française. L’héroïne est une jeune femme fraîchement sortie de son couvent et mariée à un médecin de campagne. Ses lectures romantiques ne l’ont pas préparée à un mariage qu’elle juge terne et dont elle mesure peu à peu l’ennui. Elle ne tarde pas à sombrer dans une déprime profonde. Emma entame alors une liaison avec un homme rencontré lors d’une foire agricole. Elle engage des dépenses folles pour se faire confectionner de nouvelles toilettes, combler son amant et vivre son rêve romanesque. Harcelée par l’usurier auquel elle a emprunté de grosses sommes, elle finira par se suicider en prenant une dose mortelle d’arsenic.

Emma Bovary est l’archétype même de la femme romanesque pour qui l’imaginaire prend le pas sur le monde réel. Ce n’est pas tellement qu’elle n’aime pas son mari, c’est qu’il ne la fait pas rêver. En franchissant le pas de l’infidélité, elle pense avoir atteint le summum du romanesque et se sent comblée, tout en en demandant toujours plus, plus de désir, plus de passion, plus de folies. Ce besoin de romantisme et d’évasion est, encore aujourd’hui, l’un des moteurs principaux déclencheurs de l’infidélité. C’est pourquoi le roman de Flaubert est devenu un livre culte.

L’infidélité, bien que souvent décriée et condamnée par la morale, est encore et toujours au coeur des intrigues amoureuses qui attirent les foules, que ce soit au cinéma ou dans la littérature. Considérée hier comme le signe d’un couple dysfonctionnel, l’infidélité est aujourd’hui remise en perspective dans une société qui évolue et tente de redéfinir avec plus de nuances les relations amoureuses.

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